mardi 29 juillet 2008

LA RIVIERE ROUGE (1948)

Titre original : Red River
Réalisateur : Howard Hawks
Distribution : John Wayne (Tom Dunson), Montgomery Clift (Matthew Garth), Walter Brennan (Groot), Joanne Dru (Tess Millay), Coleen Gray (Fen, la fiancée de Tom), Harry Carey Sr. (Melville), John Ireland (Cherry Valance), Noah Berry Jr. (Buster), Harry Carey Jr. (Dan Latimer) Chief Yowlachie (Quo, l'indien), Paul Fix (Teeler), Hank Worden (Simms)...
Studio : United Artists
Durée : 2h05
Image : N&B


affiche française

Par certains égards, le scénario de LA RIVIERE ROUGE rappelle celui du film d'aventures LES RÉVOLTÉS DU BOUNTY. C'est également l'histoire d'une mutinerie, celle d'hommes poussés à bout par l'inflexibilité et l'aveuglement de leur chef. Dans cette parabole western, le capitaine de la marine anglaise prenait la forme d'un éleveur de bétail texan, son second devenait son fils adoptif, et le navire, un troupeau de plusieurs milliers de têtes à convoyer vers le Missouri. Howard Hawks réunissait un duo tout aussi mémorable que celui que formèrent treize années auparavant Charles Laughton et Clark Gable ou plus tard Tervor Howard et Marlon Brando ; peut-être même plus intéressant encore grâce aux liens affectifs qui unissent les personnages de Tom (John Wayne) et Matthew (Montgomery Clift), qui tendent à donner au premier cité une dimension plus humaine.

John Wayne (1ère époque)
Walter Brennan (1ère époque)



Au départ de cette histoire, il y a un noyau dur de trois personnages, l'as de la gachette Tom Dunson, son ami Groot (Walter Brennan), et le jeune orphelin Matthew Garth, les trois seuls rescapés d'une caravane de pionniers attaquée par les Comanches en 1851. Une quinzaine d'années plus tard, Tom a réalisé son rêve en batissant un des plus grands ranchs du Texas. Il a élevé Matthew comme son fils et l'a modelé à son image, faisant de lui l'un des plus redoutables tireurs du pays. La guerre civile vient de s'achever et a laissé l'état du Texas exsangue. Pour vendre son troupeau, Tom n'a d'autre choix que de le convoyer plusieurs centaines de kilomètres au Nord, dans le Missouri.

John Ireland et Montgomery Clift
Walter Brennan


Après avoir rassemblé une équipe de cowboys (dans laquelle on retrouve plusieurs fidèles de John Wayne : son ami Harry Carey avec qui il tourna dans L'ANGE ET LE MAUVAIS GARÇON, le fils de ce dernier Harry Carey Jr. qu'on reverra au côté du Duke dans LA CHARGE HÉROÏQUE ou RIO GRANDE, Hank Worden dans LA PRISONNIERE DU DÉSERT, etc...), tous volontaires pour ce rude périple, le convoi se met en marche, et très vite, les coups durs s'enchainent, et les hommes commencent à douter de la faisabilité de leur mission. Une option plus réaliste s'offre à eux, l'opportunité de rallier Abilene, plus proche, mais Tom ne veut pas en entendre parler, il s'entête à vouloir rejoindre le Missouri. Lorsque deux cowboys déserteurs sont retrouvés et que Tom ordonne de les pendre pour l'exemple, Matthew se met en travers du chemin de son père adoptif et décide de prendre les choses en main. Tom est abandonné sur place, et Matthew prend la tête du convoi avec la ferme intention de mener le troupeau à Abilene, où tous les comptes seront finalement réglés.

Noah Berry Jr. et Walter Brennan




Le changement de route de Matthew le conduit à un nouveau personnage, celui de la ravissante Tess Millay (Joanne Dru). Un personnage qui deviendra central jusqu'à la fin du film, mais en même temps un peu bancal. Tess tient en quelque sorte un rôle de médiatrice entre Matthew et Tom, mais sa romance soudaine avec Matthew n'est pas très convaincante. Hawks mettra en scène une histoire d'amour autrement plus réussie quelques années plus tard dans RIO BRAVO, entre Angie Dickinson et John Wayne dans un numéro de je-t'aime-moi-non-plus parfaitement dosé et autrement plus crédible. Cette partie du film est sans doute la moins réussie, mais LA RIVIERE ROUGE conserve bien d'autres charmes qui en font sans nul doute un grand western.


Montgomery Clift et Joanne Dru
Joanne Dru


On notera pour l'anecdote que le rôle de Tom Dunson fut refusé par Gary Cooper (le premier choix de Hawks) avant d'être proposé au Duke. Ce fut la première collaboration entre Howard Hawks et John Wayne. Montgomery Clift interprétait quant à lui son premier rôle au cinéma, le film ayant été tourné deux années avant sa sortie, en 1946 (elle fut retardée par une procédure judiciaire de la part du producteur Howard Hughes qui accusait Hawks de s'être inspiré de l'un de ses films : LE BANNI de 1943 avec Jane Russell).

Edition DVD : aucune actuellement en France. Une édition américaine (zone 1) est disponible depuis plusieurs années en version originale sous-titrée.

lundi 28 juillet 2008

UNE CORDE POUR TE PENDRE (1951)

Titre original : Along The Great Divide
Titre français alternatif : Le désert de la peur
Réalisateur : Raoul Walsh
Distribution : Kirk Douglas (Marshall Len Merrick), Virginia Mayo (Ann Keith), Walter Brennan (Tim Keith), John Agar (Billy Shear), Ray Teal (Adjoint Lou Gray), Hugh Sanders (Frank Newcombe), Morris Ankrum (Ed Roden, le père), James Anderson (Dan Roden, le fils), Charles Meredith (Juge Marlowe)...
Studio : Warner
Durée : 1h20
Image : N&B


affiche française

Déjà fort d'une distribution prometteuse - avec bien sûr Kirk Douglas mais aussi ce vieux facétieux de Walter Brennan (LA RIVIERE ROUGE, futur Stumpy dans RIO BRAVO, et dans un registre plus grave, le redoutable Clanton de LA POURSUITE INFERNALE), la dynamique Virginia Mayo (LE SHÉRIF) ou encore John Agar (le jeune officier dans LA CHARGE HÉROÏQUE) -, ce western au premier abord tout ce qu'il y a de plus classique se révèle de plus assez singulier de par son traitement qui intègre l'élément suspense dans la structure de l'histoire.

John Agar et Kirk Douglas
Virginia Mayo
Walter Brennan

L'action ne tarde pas à arriver, dès les premiers plans, Raoul Walsh nous présente la scène d'un lynchage en rase campagne. Après le meurtre de son fils le plus cher, le riche éleveur Ed Roden (Morris Ankrum) désigne Tim Keith (Walter Brennan), un petit voleur de bétail, comme coupable après que ce dernier ait été retrouvé avec des vaches lui appartenant. Keith a déjà la corde au cou lorsque le marshall Merrick (Kirk Douglas) arrive sur les lieux. Déterminé à faire respecter la loi et à offrir un procès équitable à l'accusé, Merrick intervient prestement et ne se laisse pas intimider par Roden, un homme habitué à faire la pluie et le beau temps dans la région. Il prend la décision de confisquer le prisonnier à ses bourreaux et de l'escorter jusqu'à Santa Loma, la ville la plus proche, afin d'y être jugé.

Morris Ankrum
James Anderson


Mais c'est sans compter sur la détermination de Roden qui, entouré de son dernier fils et d'une petite milice composée d'hommes de main, prend le marshall et ses deux adjoints en chasse. Après une étape chez son prisonnier où Merrick fait la connaissance de sa fille Ann (Virginia Mayo), le petit convoi se met en route. Les vrais ennuis commencent, Merrick et ses compagnons doivent traverser un désert particulièrement inhospitalier, une aventure d'autant plus périlleuse que l'eau vient très vite à manquer après l'attaque de Roden et ses hommes. Merrick se retrouve alors avec un blessé (son fidèle adjoint Billy Shear alias John Agar) et prisonnier en plus, le fils de Roden, qu'il garde avec lui comme garantie de ne plus être attaqué. Une longue traversée commence alors, durant laquelle chacun se jauge, se teste, les alliances se font et se défont jusqu'à l'arrivée du groupe à destination.






Cette seconde partie du film assez psychologique est particulièrement bien menée, sans temps mort. Le suspense sur l'identité du meurtrier est plutôt bien entretenu jusqu'environ aux deux tiers de l'histoire, et le dénouement, bien que prévisible, est parfaitement orchestré. Beaucoup d'ingrédients pour concocter un bon western, en somme.





Edition DVD : sorti chez Warner.

samedi 26 juillet 2008

LA RUÉE VERS L'OUEST (1960)

Titre original : Cimarron
Réalisateur : Anthony Mann

Distribution : Glenn Ford (Yancey Cravat), Maria Schell (Sabra Cravat), Anne Baxter (Dixie Lee), Arthur O'Connell (Tom Wyatt), Mercedes McCambridge (Sarah Wyatt), Vic Morrow (Wes Jennings), Robert Keith (Sam Pegler), Aline MacMahon (Mrs. Mavis Pegler), Charles McGraw (Bob Yountis), Harry Morgan (Jessie Rickey), David Opatoshu (Sol Levy)...
Studio : Metro Goldwyn Mayer

Durée : 2h27
Image : Couleur

affiche originale

A mi-chemin entre LA CONQUÊTE DE L'OUEST et AUTANT EN EMPORTE LE VENT, cette adaptation d'un roman de Edna Ferber n'est pas à proprement parler un western classique. Il ne correspond à cette appellation que par intermittence, le reste du film tenant plus de la saga voire du mélodrame.

Yancey (Glenn Ford)
Sabra (Maria Scheller)

Le point de départ de l'histoire se situe en 1889, on y découvre Yancey Cravat (Glenn Ford) et sa femme Sabra (Maria Schell), jeunes mariés évoluant dans un milieu bourgeois de l'Est. Eternel feu follet, Yancey embarque sa femme pour un périple dans l'Ouest, en Oklahoma, où le gouvernement souhaite favoriser l'implantation des pionniers en leur attribuant gratuitement des terres fertiles.

Robert Keith
Anne Baxter
Arthur O'Connell

Yancey voit son avenir et celui de sa femme dans la culture, il a déjà tout planifié, repéré les lieux, et sait précisément où il implantera son foyer. Mais les évènements changent la donne, la brutalité de cette ruée vers les terres promises ramène beaucoup de prétendants à la réalité apre de l'existence, et Yancey n'a finalement d'autre choix que d'abandonner son projet initial pour reprendre le journal de Sam Pegler (Robert Keith), l'homme qui l'a élevé et lui a inculqué ses valeurs idéalistes, après qu'il ait trouvé la mort dans cette course folle vers la propriété.






Plus qu'un journaliste, la droiture de Yancey l'amène vite à se poser comme un redresseur de torts. C'est à lui qu'on fait appel pour combattre l'injustice. Il prend ainsi rapidement la défense d'un couple d'indiens persécutés par Wes Jennings (Vic Morrow), raciste invétéré, et ses sbires.

Vic Morrow
Aline MacMahon


C'est à peu près ici que se tourne la page western pour déboucher vers une sorte de saga avec quelques relents mélodramatiques. Le personnage de Sabra devient prédominant (notamment par l'absence du personnage de Ford, parti trouver l'aventure sous d'autres cieux durant une bonne partie du film), la communauté prospère avec la découverte de gisements pétrolifères. L'histoire aboutit en 1914, la guerre éclate en Europe, la communauté a vieilli, s'est enrichie, s'est avilie...


Aline MacMahon

LA RUÉE VERS L'OUEST n'est pas ce que j'appelerai un grand film. On y trouve des longueurs, des invraisemblances (au moins des maladresses), les personnages ne sont pas particulièrement intéressants. Il reste tout de même la présence de Glenn Ford, le charme de l'actrice autrichienne Maria Schell, et le cachet des films de cette époque, mais les près de 2h30 finissent cependant par sembler un peu longues.




Edition DVD : disponibles chez Warner.

vendredi 25 juillet 2008

LA VENGEANCE AUX DEUX VISAGES (1961)

Titre original : One-Eyed Jacks
Réalisateur : Marlon Brando
Distribution : Marlon Brando (Rio), Karl Malden (Dad Longworth), Ben Johnson (Bob Amory), Pina Pellicer (Louisa), Katy Jurado (Maria Longworth), Slim Pickens (Dedrick, l'assistant du shériff), Larry Duran (Chico Modesto)...
Studio : Paramount
Durée : 2h21
Image : Couleur


affiche originale



Le thème de la vengeance est au centre de nombreux westerns, et ce premier film réalisé par l'acteur Marlon Brando en est certainement l'un des plus brillants représentants. La réalisation devait à l'origine être confiée à Stanley Kubrick, celui-ci débuta d'ailleurs le travail de mise en scène mais fut rapidement renvoyé par Brando, qui prit sa place derrière la caméra. On aurait pu craindre le pire, mais le manque d'expérience de l'acteur n'eut finalement aucune incidence sur le résultat final de ce western qui fera date dans l'histoire du genre.

Rio (Marlon Brando)
Le film s'appuie sur une scénario remarquablement élaboré, mettant en scène des personnages complexes, en opposition avec les clichés habituels. Rio (Marlon Brando), le personnage central de l'histoire, est en effet très éloigné du héros sans faille de la plupart des productions Hollywoodiennes. Au premier abord, ce personnage apparaît même avoir plus de défauts que de qualités. On le découvre menteur, manipulateur, mufle, arrogant, insensible, mais le déroulement de l'histoire nous confirme qu'il est sage de se méfier des apparences.

Dad (Karl Malden)
Tout commence au Mexique, où Rio et son ami Dad Longworth se sont fait une spécialité de l'allègement des coffres-forts des banques. Mais leur dernier casse tourne mal, les deux malfaiteurs sont pourchassés dans le désert par la milice locale. Lorsqu'ils se retrouvent pris au piège avec un unique cheval à bout de souffle pour deux cavaliers, face à une petite armée d'assaillants, Rio et Dad n'ont plus d'autre choix que de se séparer le temps que l'un d'eux aille chercher de nouvelles montures. L'homme de confiance sera Dad. Mais au moment de rejoindre son compagnon avec des chevaux frais, ce dernier prend le chemin de la trahison et décide d'abandonner Rio et de partir avec le butin de leur braquage. Conséquence de la traitrise, Rio est capturé par les Mexicains et envoyé au bagne.



Cinq longues années s'écoulent avant que Rio ne parvienne à s'évader. Cinq ans à ruminer son désir de vengeance. Rio se met alors à la recherche de son ancien partenaire, Dad. Il finit par le retrouver à Monterrey. Dad s'y est racheté une conduite, il est désormais shériff, respecté de tous dans la ville. Mais l'heure de la vengeance a sonné, Rio et Dad se livrent alors à un fascinant numéro du chat et de la souris, un poker menteur qui les mène droit à l'affrontement. Sans pitié...

Louisa (Pina Pellicer)

La violence née du désir de vengeance est entremêlée avec l'amour que Rio trouve auprès de Louisa (Pina Pellicer), la belle-fille de Dad. Leur relation amène le personnage de Rio à évoluer subtilement. Il se retrouve tiraillé entre sa fierté, sa violence, et son attachement pour Louisa. Son caractère antipathique s'estompe peu à peu, sans dénaturer le personnage. Cet aspect psychologique de l'histoire est une des grandes réussites du film. Aucun personnage n'est d'ailleurs tout blanc ou tout noir. Les motivations de Dad, elles aussi, sont ambiguës. Il semble favorable à l'apaisement jusqu'à ce que l'honneur de sa belle-fille ne se trouve entaché (et qu'il voit plus clair dans les motivations de son ancien ami). Bien que secondaire, le personnage de Bob Amory (Ben Johnson) est également difficile à cerner. Il s'agit certainement d'un des rôles les plus intéressants pour cet éternel faire-valoir de John Wayne.


Amory (Ben Johnson)

De nombreux intervenants se succédèrent à l'élaboration de cette adaptation d'un roman de Charles Neider. Outre Kubrick, le réalisateur Sam Peckinpah (Coups de feu dans la Sierra, Major Dundee, La Horde Sauvage...) travailla sur une des nombreuses versions du script.





D'une durée finale de 2H20, LA VENGEANCE AUX DEUX VISAGES dut subir une forte cure d'amaigrissement avant sa sortie en salle. On dit que le montage original de Brando dépassait les cinq heures. Cependant, les coupes franches qui durent être faites à la demande de la Paramount ne nuisent en rien à la fluidité de l'histoire, et encore moins à sa compréhension, bien que le résultat soit sans doute bien différent de l'idée originale de Brando, comme il le déplora à la sortie du film. Cette oeuvre maudite, accouchée dans la douleur et reniée par ses auteurs, fait aujourd'hui figure de classique.



Editions DVD : De nombreuses éditions ont vu le jour, mais à ce jour, aucune d'entre elles n'apporte entière satisfaction. Cependant, l'édition sortie dans la collection "Stars du western" (photo ci-dessus) est à préférer à toutes les autres. La qualité d'image est loin d'être optimale, les couleurs sont plutôt ternes, mais il s'agit de la seule édition proposant à la fois version originale sous-titrée et version française (dont on notera tout de même un gros cafouillage lors de la scène finale redoublée sans raison valable).

Les éditions ci-dessous sont quant à elles à proscrire absolument, la qualité d'image s'apparentant à celle d'une très mauvaise vhs :